Pages de publicité

Pages de publicité

Quand tu feuilletais un magazine de jeux vidéo en 1995-1996, quelles étaient les pages de publicité qui attiraient le plus ton attention ? Étaient-ce celles pour les consoles, les jeux, ou peut-être les accessoires ?

En premier lieu cela a été les publicités de jeux vidéo. Les boutiques listaient forcément tous les jeux disponibles mais il y avait surtout un point très important : la sortie des nouveautés en import, que ce soit les jeux ou les consoles. Il était globalement assez simple d’acheter en supermarché des jeux français sur les consoles populaires. Par contre, pour les jeux en import, il était impossible de trouver autrement que via les publicités des magazines. Il y avait quasiment aucune boutique d’import en province, à part une près de chez moi car j’avais de la chance. Malgré tout, cette boutique a été utile pour d’autres points mais pour les jeux imports, ça a été les boutiques dans les publicités des magazines.

Les publicités pour les boutiques d’import étaient souvent très visuelles et remplies de listings. Qu’est-ce qui te marquait le plus dans ces annonces ? Était-ce le design des publicités, les prix affichés, ou les mentions de jeux et consoles qu’on ne voyait nulle part ailleurs ?

Tout ça en même temps mais pas forcément sur toutes les pubs. Pour le design, on voit que ce n’était pas ça. C’était très souvent des listings avec de temps en temps les images des consoles les plus récentes. Pour les prix, tout était à peu près aligné sans grande différence entre les boutiques. Les jeux français avaient des prix globalement stables nationalement. Pour l’import, c’était plus libre mais en moyenne, on était dans les 550 francs pour un jeu US et 650 pour un jeu japonais sur Super Nintendo. Pour les jeux français, c’était plutôt dans les 400. L’autre point que j’aimais beaucoup dans les pubs, c’était de voir les prix des jeux que je ne pouvais pas m’acheter comme les jeux Neo Geo. Ca permettait de rêver un peu.

C’est vrai que ces listings faisaient souvent rêver, surtout pour des consoles comme la Neo Geo. Quand tu regardais ces publicités, avais-tu une boutique ou une enseigne que tu préférais ? Était-ce à cause de leur réputation, de la présentation de leurs annonces, ou simplement parce qu’elles proposaient des produits rares ou spécifiques ?

Il y avait 2 boutiques principalement. La première et ceux depuis assez tôt, c’était Espace 3. Au départ elle avait des demi-pages tout au mieux mais au fil du temps, la double page s’est imposée et parfois on allait même jusqu’à 4 pages dans le même magazine. Leur pub était toujours très complète avec les jeux dans toutes leurs versions (jap, us, fr) et l’ensemble des consoles. J’ai commandé chez eux plusieurs fois et je n’ai jamais eu de problème.

L’autre magasin qui est arrivé un peu plus tard dans le domaine de la pub est Amicropuce. La publicité de la boutique était orientée manga et elle était relativement proche de chez moi. Quand la pub pour la boutique est arrivée, elle s’était déjà recentrée sur le manga/anime. Au départ il y a avait de tout et pas mal de jeu vidéo. C’est dans cette boutique que j’ai commencé à acheter mes mangas, louer des jeux et essayer des consoles comme la Neo Geo. Outre ces 2 boutiques, j’ai vu apparaitre la chaine de magasins Micromania. Leurs pub étaient déjà plus élaborées et visuelles. Par contre, il n’était pas orienté import donc elles m’intéressaient moins en terme d’outil d’achat.

C’est fascinant de voir comment ces publicités traduisaient les évolutions du marché et des boutiques. En tant que lecteur, sentais-tu une différence de ton ou de présentation entre les enseignes comme Espace 3 et Amicropuce, plus spécialisées, et Micromania, qui semblait viser un public plus large ? Et surtout, est-ce que cela influençait ta perception de la fiabilité ou du sérieux de ces boutiques ?

Avec le recul on peut sentir effectivement la différence de sérieux. Je parlais de la mise en page et effectivement, cela transparait assez facilement. J’ai oublié de citer la « boutique Toon » que je regardais côté manga/anime. La boutique Amicropuce s’est inspirée du design mais les couleurs et la mise en page était en-dessous… Ce que je regardais surtout, c’était la régularité. Les boutiques que j’ai citées faisaient de la pub tous les mois et ce pendant des années. Bien entendu, cela n’empêchait pas de prendre des risques surtout avec le décalage : la boutique peut fermer peu de temps avant la publication de la publicité sans qu’on ne le sache. Mais bon, si elles ne tenaient pas, elles auraient fermé assez vite. Ca n’a pas été le cas. Vu qu’en plus, les produits proposés étaient sensiblement les mêmes. Idem pour les prix. Donc pas besoin d’aller plus loin quand on a trouvé des boutiques qui fonctionnaient correctement. Leur nombre était de toute façon assez limitée. Si on exclue les jeux vidéo français, tout le reste était forcément pour une niche, que ce soit la partie manga/anime ou jeux vidéo d’import. Il n’y avait pas moyen de faire vivre des tonnes de boutiques en vente par correspondance.

C’est intéressant de voir à quel point la régularité et la pérennité des publicités pouvaient inspirer confiance à une époque où les fermetures étaient fréquentes. Lorsque tu commandais via ces boutiques, notamment pour les jeux d’import, te rappelles-tu des mécanismes pratiques qui te rassuraient ? Par exemple, est-ce que les descriptions des produits dans les publicités, le service client par téléphone, ou même des témoignages dans les magazines t’aidaient à franchir le pas ?

Il n’y avait pas de descriptif au sens strict. A part des titres, des numéros de volume, des prix et parfois des couvertures, c’est tout ce qu’il y avait pour la quasi totalité des articles. Les photos des consoles étaient celles des communications officielles ou des boites des consoles. Par contre oui, à l’époque, le téléphone était un moyen complémentaire de vérifier le sérieux et oui, il m’est arrivé d’appeler pour demander l’arrivée de certains titres ou tout simplement pour commander. Il ne faut pas oublier que pour commander dans un magazine, si on n’utilisait pas le téléphone, il fallait envoyer par courrier son bon de commande avec des chèques ou le numéro de carte bleue. Au final, par téléphone, c’était juste plus rapide et pas forcément moins sécurisé dès qu’on utilisait sa carte. Bref il fallait prendre un risque et s’il n’y avait pas de problème, il n’y avait plus de raison de ne pas passer par le même magasin.

C’est vrai qu’à cette époque, le téléphone et le courrier étaient des canaux indispensables, bien avant l’explosion des commandes en ligne. En regardant ces publicités aujourd’hui, il y a un côté nostalgique dans leur simplicité. Penses-tu que cette manière directe et un peu artisanale de présenter les produits jouait un rôle dans le lien qu’on avait avec ces boutiques ? Et est-ce que tu as vécu des anecdotes marquantes en passant commande, comme une attente plus longue que prévue ou une bonne surprise avec un produit ?

Les publicités étaient notre seul véritable lien avec la capacité d’acheter les jeux que l’on voyait dans les magazines. Le lien était donc assez fort car c’est via elles qu’on se disait qu’on aimerait bien avoir tel ou tel jeu. Les magazines ne parlaient d’ailleurs pas de tout donc voir un jeu ou un manga apparaitre dans la liste des produits disponibles apportaient un petit plus. C’est sans compter aussi que les magazines étaient un peu les seules lectures du mois autour de ma passion donc on profitait de tout à fond. Même de la pub ! Je n’ai par contre jamais eu de véritable surprise autour des commandes, surtout que si c’était le cas, ce serait surtout une mauvaise. J’ai eu de temps en temps à appeler pour savoir si mon colis était parti. C’était pas mal de l’impatience mais les boutiques n’envoyaient pas tous les jours des colis donc ils suffisaient de commander au mauvais moment… La poste pouvait également tarder dans sa livraison mais à part attendre, pas grand chose à faire. Je n’ai donc pas de véritable anecdote marquante liée à une commande en particulier.

C’est vrai qu’à cette époque, la publicité jouait un rôle bien plus central qu’aujourd’hui, surtout pour des passions de niche. Tu parlais de ton impatience et du suivi des commandes, qui étaient des expériences typiques des achats par correspondance. Penses-tu que cette attente, parfois frustrante, ajoutait aussi à la valeur du jeu ou du produit une fois reçu ? Et plus largement, est-ce que ces moments font partie des souvenirs qui rendent cette époque si spéciale pour toi ?

Oui aux deux questions. L’attente et la frustration sont toujours des moteurs de stimulation de l’imaginaire et du plaisir de l’acquisition d’un produit, quel qu’il soit. C’était pareil quand je savais qu’on allait faire des courses « en ville ». Cela me permettait de voir les nouveautés et au fil du temps, cela signifiait réaliser mes achats et donc avoir de nouvelles VHS, de nouveaux jeux,… Je rappelle qu’en l’absence d’internet, nous n’avions pas grand chose à la campagne pour assouvir ce type de passion ! Tous ces rituels font que je me souviens de pas mal d’achat de cette époque et leur impact dans ma vie. Aujourd’hui avec les « promos Steam », la dématérialisation générale ou encore les envois en 24h, tout cela a quasiment disparu. La majorité de mes achats actuels ne sont plus vraiment marquants par rapport à une échelle de temps. Je ne parle même pas des mangas et surtout des animes. Il fallait attendre plusieurs mois pour obtenir un nouveau volume ou une VHS. Donc la moindre acquisition devenait rapidement un moment unique qui ne se reproduira pas avant un certain temps. Aujourd’hui la masse et l’immédiateté rend cela complètement impossible.

Tu mets en lumière un aspect essentiel de cette époque : la rareté et l’attente créaient une émotion qu’on ne retrouve plus vraiment aujourd’hui. Si tu devais comparer ce sentiment d’attente et de découverte à ce que tu ressens avec les achats modernes, est-ce que tu dirais qu’une partie de la passion a changé ou s’est atténuée ? Penses-tu que ce modèle « à l’ancienne » apportait un lien plus fort avec les objets, ou bien était-ce simplement une adaptation aux contraintes de l’époque ?

Comme toujours, il faut vivre avec son temps. La passion n’a pas changé, elle s’est transformée. L’abstinence forcée rendait effectivement ces achats uniques, mais c’était au prix de rater tous les contenus qu’on aurait voulu avoir. Ca me parait un peu ridicule de se dire qu’on est content de ne pas avoir eu accès au matériel. Donc clairement, aujourd’hui on perd beaucoup de cet aspect « mémorable » mais au moins nous sommes quasiment sûr de ne pas rater ce qu’on recherchait réellement, à savoir s’amuser avec un jeu, lire un manga ou voir un anime. Ce qu’il faut garder, c’est la leçon de vie qui permet de relativiser beaucoup de choses. Par contre, il faut arrêter le délire de préférer ne rien avoir pour être mieux. Au pire, c’est toujours possible. Il suffit d’être exigent avec ce que nous achetons, regardons ou encore à quoi nous jouons. Nous avons le choix, de quoi se plaint-on. De fait, la réponse est clairement : « une adaptation aux contraintes de l’époque ».

C’est une perspective très lucide. Tu soulignes bien que l’évolution de l’accès aux contenus a enrichi les expériences, même si elle a effacé un peu de la magie liée à la rareté. Elles étaient un reflet direct des contraintes et des opportunités de l’époque. Pour conclure sur ce thème, voici ma dernière question :

Si tu devais choisir une publicité ou un style de publicité de ces années qui t’a particulièrement marqué, laquelle serait-ce ? Était-ce une mise en page, un produit spécifique, ou peut-être une boutique dont le design ou les offres sortaient du lot ?

Je dirais que ce qui m’a marqué, ce sont les pubs ridicules que l’on pouvait trouver, dont celles sur des numéros surtaxés. Leur mise en page se limitait souvent à une image d’une série quelconque (au hasard Dragon Ball) avec du texte utilisant une police bien moche. Elles n’avaient donc aucun intérêt. Aujourd’hui elles en ont au moins un : faire rire. Par contre à l’époque, si c’était pour une boutique, cela entachait son sérieux et c’est pour ça qu’elles arrêtaient assez rapidement. Pour le reste, c’était juste plus ou moins des arnaques ou au minimum quelque chose sans intérêt (jeux concours, serveurs vocaux…).

Merci et à la semaine prochaine !

Merci !

Comments

No comments yet. Why don’t you start the discussion?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *