
En début d’année 1996, quels mangas ou animes étaient les plus marquants pour toi ? As-tu découvert de nouvelles séries ou continuais-tu surtout celles déjà en cours ?
Début 1996, ce n’était clairement plus trop à la télé qu’il fallait chercher des nouveautés anime. On était clairement obligé de se rabattre vers les VHS dont j’ai déjà beaucoup parlé dans d’anciens entretiens. Dragon Ball reste très présent avec l’arrivée de Dragon Ball GT. Le manga étant fini, on voulait voir une suite quand bien même cela n’avait plus rien à voir.
En VHS, pas de changement. Les OAV dominent avec des titres fantastiques et de séries connues (Kimagure Orange Road, …). Côté manga, les éditeurs déjà installés continuent sur leur lancée et leurs lignes éditoriales. Bref rien de neuf. Mais arrive avril-mai 1996.


Tu as souligné que les choses ont changé à partir d’avril-mai 1996. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui s’est passé à ce moment-là et pourquoi cette période te semble marquante ?
Exactement. Il y a eu pour moi 3 évènements majeurs. Le premier, la sortie d’Animeland en kiosque à partir de son numéro 22. Le second, l’arrivée de J’ai Lu / Panini dans le monde du manga avec 2 titres marquants : Dragon Quest /Fly et City Hunter. Le dernier, qui est plus personnel même si les deux précédents ont fait leur rentrée dans mes achats, l’acquisition de ma première VHS en version japonaise sous-titrée : Please save my earth.


Le passage d’Animeland en kiosque avec le numéro 22 a été une étape clé dans sa démocratisation. En quoi cela a changé ton accès aux informations sur les mangas et animes ? Ce numéro t’a-t-il marqué par un contenu particulier ?
Je n’ai pas acheté le numéro 22 à l’époque. Par contre mon premier Animeland fût le numéro 23. Le numéro 22 est au final une préversion de ce que sera Animeland par la suite. Le numéro 23 est par contre le modèle de ce que sera la maquette des futurs numéros.


Animeland m’a donc permis de rentrer réellement dans le monde de l’animation et du manga. Les magazines de jeux vidéo ne pouvaient rentrer en détail sur toutes les sorties et sur ce qui entoure l’univers manga/anime. Animeland est devenu le complément parfait à ces derniers.
J’ai donc commencer à découvrir à la fois les animes en avance (puis plus tard des mangas) en japonais via les rubriques spécifiques, mais également les sorties de manga/anime en France de manière plus approfondie. On pouvait découvrir les séries à venir (ou qu’on souhaitait voir venir) via l’Anime Grand Prix japonais. Nous pouvions participer aux AGP français (ce que je faisais). J’ai donc pu passer au niveau supérieur de ma passion en apprenant beaucoup plus sur les manga/anime. Ce fût le véritable début de ma passion.


Ton premier Animeland a donc été le numéro 23. Peux-tu nous en dire plus sur ce qui t’a marqué dans ce numéro, en termes de contenu ou de maquette ? Y a-t-il une rubrique ou un article spécifique qui t’a particulièrement marqué ?
Le numéro 23 est un peu symptomatique des futurs. On trouve la rétrospection sur l’AGP japonais avec toutes les séries que je ne connaissais pas. Idem dans la rubrique japon où on parlait de Evangelion, Escaflowne ou sur la partie VHS avec, oh surprise, Réincarnation en vidéo mise en avant ou encore Porco Rosso, Macross Plus, et j’en passe. On a également un article sur Gunsmith Cats faisant le lien avec Manga Player, un article sur Yu Yu Hakusho ou ce que l’on souhaitait voir à la télé avec Dragon Ball, … Dernier point à noter, outre Dragon Quest et City Hunter, un article sur le manga de Lodoss War chez Casterman que j’achèterai un peu plus tard. Bref tout était là pour préparer mes futures années.


Avec le recul, ce numéro 23 d’Animeland a-t-il eu un impact durable sur tes choix et ta manière d’aborder ta passion ?
La mise en avant de Réincarnation, qui a été également le cas dans les magazines de jeux vidéo, m’a poussé à franchir le pas. L’histoire m’a attirer et les commentaires élogieux des journalistes ont fait que j’ai sauté le pas malgré mon appréhension de ne rien comprendre et de ne pas profiter pleinement de la vidéo en devant lire des sous-titres.


Tu mentionnes que l’histoire de Réincarnation t’a attiré et que les commentaires des journalistes ont été déterminants. Te souviens-tu précisément de ce qui t’a intrigué dans le synopsis ou les critiques ? Comment s’est passée cette première expérience ?
Je cite Animeland « Des jeunes gens découvrent par recoupements que leurs rêves communs sont des éléments d’une vie antérieure » « une merveilleuse histoire d’amour tirée d’un des titres shôjo les plus appréciés au Japon ». Tout ça avec 4 étoiles sur 5 à tous les niveaux. Etant fan de comédies sentimentales, une histoire fantastique et une jaquette vendeuse, c’était difficile de résister. J’ai donc sauté le pas et je n’ai pas été déçu.

Cette première expérience d’anime sous-titré a été un succès. La qualité du titre et des musiques a certainement aidé mais pas de soucis. On s’habitue facilement à regarder les sous-titres en plus de l’action. Après je dirais que faute d’anime de qualité, j’ai dû voir la VHS une bonne 15aine de fois donc à la fin, la lecture des sous-titres était assez aisée…
Fort de cet essai concluant, je n’avais plus de blocage pour passer sur des VHS en VOST et acquérir de nouveaux titres dans le futur (sous réserve d’avoir l’argent disponible, comme toujours). Nous en reparlerons en temps et en heure.


Tu as vu cette VHS une quinzaine de fois, ce qui montre un vrai attachement à l’œuvre. Avec le recul, quels aspects de Please Save My Earth te semblent avoir le plus contribué à cet engouement (scénario, personnages, musiques, ambiance) ?
Le personnage de Rin, le plus jeune de la bande m’a bien plu. Au final on parle d’une histoire d’amour mais dans les faits, c’est surtout un drame qui se joue devant nous. Et la musique (en particulier le générique de fin que j’ai évoqué dans l’AGP 1994) marque les esprits par la grande mélancolie que l’on ressent à son écoute. On était loin des génériques du Club Dorothée même si je ne cache pas mon attachement à ces derniers.
L’ambiance plus mature que ce que j’avais l’habitude de regarder jusqu’à présent, sans pour autant être trop adulte, me parlait forcément beaucoup plus car mon âge approchait celui des personnages. J’avais du mal avec les séries comme Maison Ikkoku/Juliette je t’aime car elles sont sorties trop tôt pour moi. Réincarnation traite la vie de lycéen, ce que j’allais devenir en 1997. La proximité de l’âge ainsi que l’aspect plus réaliste de l’environnement. On pourrait dire qu’il y avait ça dans d’autres séries mais la plupart étant des séries comiques (Ranma, Kimengumi) dénature totalement la vie lycéenne. Ce qui s’en rapprochait le plus, c’était les séries adaptées des mangas de Mitsuru Adachi du type Touch ou Hi Atari Ryoko mais là encore, j’étais plus jeune lorsqu’elles ont été diffusées. L’aspect sportif prenait également pas mal de place.
Pour résumer, la série me parlait et j’étais donc absorbé par ce qu’elle apportait comme réalisme malgré les côtés fantastiques. Je conclurais par le fait que l’on ne se cachait pas d’être au Japon et à Tokyo, chose courante dans les adaptations diffusées à la télévision.


La mélancolie du générique de fin t’a marqué. Est-ce que cette musique a changé ta perception des bandes-son d’anime en général ? As-tu commencé à prêter plus attention à la musique dans les œuvres que tu as découvertes par la suite ?
La musique de Please Save My Earth a clairement augmenté mon intérêt pour les musiques d’anime en général et forcément les chansons originales chantées en japonais. Ce sera un peu la même chose avec les chroniques de la guerre de Lodoss. Et un anime scellera définitivement mon intérêt pour les OST et les génériques japonais, anime qui commence à fortement faire impacter le monde de l’animation, ne serait-ce que parce qu’il gagne le AGP japonais 1995 dont on parlera plus tard.


Passons maintenant à ces deux titres marquants de l’arrivée de J’ai Lu dans le monde du manga en 1996. Avec l’arrivée de Dragon Quest (Fly) et City Hunter chez J’ai Lu, qu’as-tu pensé de cette initiative ? Avais-tu déjà une affinité particulière pour ces séries avant leur sortie en manga, ou les as-tu découvertes à travers cette édition ?


City Hunter était déjà très populaire en France via l’anime (tv, film). Beaucoup d’autres succès étaient déjà édités chez Glénat (Dragon Ball, Sailor Moon, Ranma). Quand on voit les différences entre le manga et l’anime, on comprend pourquoi ce n’était pas si évident de le sortir. Pour Dragon Quest, nous avions eu droit à la diffusion de la série sur TF1 donc elle n’était pas complètement inconnue. Par contre je ne connais pas à quel point elle a pu marquer les spectateurs. Me concernant, le mélange jeu de rôle / shônen était tout à fait indiqué puisqu’il faisait le lien entre les 2. J’étais déçu qu’il n’y ait pas de suite. Le choix de ces séries fût une bonne chose et complétait ce qui était disponible chez les autres éditeurs. A cela s’ajoute un rythme de parution régulier tous les mois et le prix abordable.


Concernant City Hunter, tu mentionnes que les différences entre le manga et l’anime étaient frappantes. Quels éléments du manga t’ont le plus surpris ou marqué par rapport à l’adaptation animée, et penses-tu que cela a joué sur sa réception en France ?
Le problème est clairement le running gag sur le mokkori de Ryo. Je suis d’ailleurs content que cela n’ait pas été repris dans l’anime. En manga cela passe très bien mais en anime, cela aurait été ridicule. De manière générale les références à la débauche de la nuit étaient moins présentes et l’adaptation française de l’anime avait tout édulcoré. J’ai donc pu redécouvrir City Hunter via un autre prisme qui est de loin plus intéressant. Et je passe que l’histoire évolue beaucoup dans le temps et qu’elle devient de plus en plus prenante au fil du temps en nous apportant des éléments sur le passé de Ryo. Tout cela était donc une très bonne surprise.


Revenons sur Dragon Quest. Penses-tu que Dragon Quest a réussi à attirer un nouveau public, notamment des fans de jeux vidéo qui n’étaient pas encore familiers avec les mangas, ou était-il davantage un produit destiné à ceux qui connaissaient déjà la série animée ?
Dragon Quest n’est pas très connu à cette époque en France. Les jeux sont uniquement disponibles en japonais et à part le fait que le chara design soit de Toriyama, peu de personne connaisse réellement les jeux. Cependant c’est assez simple de faire le rapprochement entre la quête de Dai et n’importe quel monde de jeux de rôles.
Si on rentre dans l’histoire, à partir du volume 3, l’histoire du manga entre réellement dans le mode shônen aventure et on se rapproche d’une narration classique en « arc ». Ce que j’ai vraiment apprécié dans ce manga contrairement à beaucoup d’autres manga shônen, c’est que l’on connait dès le début qui est l’adversaire final et les auteurs arrivent à bien gérer le fait que l’on s’en rapproche au fil du temps, comme dans un jeu d’aventure. C’est tout le contraire d’un Dragon Ball où la série aurait pu finir à plein d’endroit sans que cela ne pose problème. Bref, c’est un des meilleurs manga shônen des années 90 que j’ai pu lire et ce, malgré tous les problèmes d’édition.


En conclusion, cette période fût vraiment un moment marquant pour ta découverte de la pop culture japonaise de l’époque.
Et ce n’est pas fini ou plutôt, ça ne fait que commencer.
