
Depuis quelques années, Animeland permet à ses lecteurs de participer à l’Anime Grand Prix Français. Celui de 1995 fût publié dans le n°20 d’octobre 1995.
A partir de 1996 je le suivrai directement dans le magazine mais je ne connaissais pas celui de 1995 sorti dans le numéro 20. En même temps Animeland n’était toujours pas en kiosque donc je n’y avais pas accès. Toujours le même problème, mais rien ne nous empêche de faire l’exercice.


Et bien commençons ! Comme nous avons déjà évoqué le classement d’Animage, quel est ton sentiment vis-à-vis du classement français ?
Déjà on peut facilement dire que le classement entre les magazines est différent puisque beaucoup de séries ne sont pas sorties en France. Le premier du classement en France est Dragon Ball Z alors qu’il n’est pas dans le classement d’Animage. On retrouve seulement Sailor Moon dans les premières places…
En France, les têtes de série sont assez flagrantes avec juste une surprise en seconde place : Nadia le secret de l’eau bleue. Ensuite on retrouve les classiques City Hunter, Sailor Moon et Saint Seiya.


C’est vrai que les têtes de série dans le classement français de 1995 sont assez attendues, avec des classiques qui ont marqué la culture populaire à travers leurs diffusions télévisées régulières.
Pourquoi penses-tu que Nadia ait pu marquer autant les esprits en 1995, malgré sa diffusion antérieure ?
Elle a surtout marqué le public d’Animeland. Nadia est une série beaucoup plus mature et en décalage avec les autres séries populaires. Sans parler d’élitisme ou d’ego mal placé, c’est une série qui par ses thèmes marquent plus facilement un public plus âgé et plus réceptif à ce que l’animation japonaise peut proposer. Après il ne faut pas nier qu’à part les quelques épisodes de fin de la série, le reste de la série est de qualité. En plus avec la France comme décors au début de l’histoire, il n’en fallait pas plus pour marquer le public. Mais déjà à l’époque on ressentait la différence entre une série comme Nadia et les séries un peu plus commerciales adaptées de manga à succès. En tout cas cette série m’avait beaucoup plu pour sa mise en avant de la science, de combats entre nation et la profondeur des personnages.


Quel aspect de Nadia t’a le plus marqué à l’époque, entre la mise en avant de la science, les relations entre les personnages ou encore le contexte géopolitique de l’histoire ?
La mise en avant de la science via le sous-marin était assez plaisant. Cela donnait envie de voyager dedans. Tout dans le Nautilus rappelle la série Macross, dont j’avais beaucoup apprécié la diffusion (et est en 6ème position de l’anime grand prix malgré une présence ancienne à la télé). Après Nadia brille par ses personnages. On aime détester Nadia, on a un peu pitié de Jean mais on voudrait bien vivre son aventure, Gladis et son équipe qui seront leur plus grands alliés après avoir été leurs ennemis « ridicules » au départ, la prestance de Nemo, le sérieux d’Electra… J’en passe tellement ils sont tous marquants à leur manière. Un de mes premiers numéro d’Animeland contient d’ailleurs un dossier sur la série.


C’est vrai que la mise en avant de la science et de la technologie à travers le sous-marin Nautilus dans Nadia, le secret de l’eau bleue est captivante, en particulier pour les fans de science-fiction. Le Nautilus est un véritable personnage à part entière, un peu comme le SDF-1 dans Macross. Ce parallèle avec Macross est d’ailleurs très pertinent, car les deux séries partagent cette fascination pour des machines imposantes et complexes, qui deviennent presque des extensions des personnages et du monde qui les entoure.
Avec autant de personnages marquants, quel était pour toi celui qui t’a le plus intrigué ou auquel tu t’es le plus attaché dans Nadia ?
Du fait de mon âge à l’époque, mon personnage « préféré » était forcément Jean. Non pas pour ce qu’il est, mais pour les points communs que l’on pourrait avoir et surtout l’envie de vivre son aventure.


Revenons au classement. Est-ce qu’il y a d’autres séries qui t’ont surprises ou qui méritent qu’on en parle davantage selon toi ?
A partir de la 7ème place, le nombre de vote diminue progressivement et surtout permet de mieux cerner le lectorat d’d’Animeland. On retrouve Cobra en 7ème position et les mystérieuses cités d’or en 11ème. Ces 2 séries ont marqué des personnes de 4-5 ans mes ainés. Si on peut dire qu’il y a une surprise, c’est que comme Animeland n’est pas un magazine que d’animation japonaise, on trouve une série télé américaine : les Simpson. Elle bénéficie d’une forte médiatisation à l’époque et pour de très bonne raison est très populaire. Plus bas dans le classement on observe l’apparition de séries non diffusées comme Yu Yu Hakusho ou Magic Knight Ray Earth que l’on avait évoquées dans l’AGP de Amiage. On peut dire au final qu’à défaut de classement plus ou moins logique, les séries dans le haut du classement ont toute une bonne raison de s’y trouver.


En conclusion, même si le classement semble assez cohérent avec les goûts de l’époque, il montre aussi la diversité des influences culturelles et des modes de consommation des œuvres par le public d’Animeland, avec un mélange de classiques cultes et de séries plus récentes ou inédites.
Les catégories suivantes, à savoir film et OAV sont plus intéressantes à regarder car elles font références à tout ce qui n’était pas disponible sans dépenser de l’argent (cinéma ou VHS). Après ce n’est pas dans le haut de ces classements qu’il faut chercher l’originalité. Meilleur film : Akira et meilleur OAV : Chronique de la guerre de Lodoss


Comme tu le dis, des titres comme Akira et Chronique de la guerre de Lodoss sont des choix assez « sûrs » et reflètent le consensus général. Ce sont des œuvres que tout le monde connaissait et appréciait à cette époque. L’originalité et les découvertes intéressantes se retrouvent probablement dans les classements secondaires, où des œuvres plus méconnues, moins accessibles ou plus niche pouvaient se glisser grâce au vote des fans les plus acharnés.
Niveau film on trouve Porco Rosso en seconde place. Vu qu’il est sorti au cinéma un peu partout en France, cela a dû lui profiter sachant qu’il est plus grand public que Akira, et que Jean Réno double le personnage principal. Après on ne trouve que des films du studio Ghibli (Totoro, Nausicaa, Laputa, …) ou Disney (le roi lion, Aladdin). Les votes sont d’ailleurs assez vite dispersés.
Côté OAV c’est plus simple puisque cela correspond aux séries sortant en VHS les plus en vogue : Ah ! my goddess, Iria, Gunmm, Ranma, Video Girl Ai et Macross plus. Ces séries sont principalement présentes via la popularité des mangas dont elles sont adaptées. Macross fait exception mais c’est une licence bien connue des fans. Je trouve cependant que ces OAV sont plus intéressants sur plusieurs points : histoire plus simple et centrée sur le triangle amoureux, très bonnes musiques de Yoko Kanno, techniquement supérieur (normal).


Passons maintenant au classement des meilleurs personnages masculins et féminins, les classements de popularité a l’état pur.
Ils sont malgré tout en concordance avec les classements précédents. Les premiers de chacune des catégories ne sont pourtant pas issue des tops 1 : Madoka Ayukawa (Kimagure Orange Road) et surtout l’écrasant Ryo Saeba (City Hunter) avec 1/3 des votes à lui tout seul. Madoka n’a que 60 voix d’écart avec Belldandy alors que Ryo en a 300 avec Son Gokû.
Pour le classement féminin, on retrouve ensuite toutes les héroïnes des séries déjà citées : Ai Amano, Deedleet, Gally… Nadia n’est que 7ème mais je ne trouve pas ça surprenant. Nadia est un personne avec un caractère très marqué qui diminue certainement son capital sympathie. La plupart des héroïnes devant elle ont moins ce défaut (à part Usagi de Sailor Moon).
Côté masculin on retrouve les hommes forts qui dominent leur série tel Son Gokû ou Cobra. Puis on retrouve un peu les mêmes série dans le désordre. On remarquera juste l’absence d’un personnage de Saint Seiya dans le top 10 et même que Seiya n’est pas dans le top 20 (c’est Shun qui lui vole la place). Il est peut-être victime de la présence de 3 personnages de Dragon Ball dans le top 10 (Vegeta et Trunks en plus de Gokû).


Comme tu l’as bien dit, le fait que Ryo Saeba domine largement ce classement, avec un tiers des votes à lui tout seul, témoigne de la popularité massive de City Hunter en France, une série qui avait parfaitement réussi à captiver les spectateurs grâce à son mélange d’action, d’humour, et de charme. Ce personnage incarne parfaitement l’archétype du héros cool et charismatique qui sait autant faire rire qu’impressionner, ce qui explique sans doute cet engouement.
Pour Madoka Ayukawa, c’est tout aussi intéressant, car elle n’est pas issue d’une série d’action, mais plutôt d’une comédie romantique (Kimagure Orange Road), ce qui montre que ce genre avait aussi un fort écho auprès des fans. Le fait qu’elle soit suivie de près par Belldandy (Ah! My Goddess) met en lumière l’impact des séries plus émotionnelles et fantastiques, avec des héroïnes charismatiques qui se démarquent par leur douceur et leur complexité émotionnelle, contrairement à des personnages plus explosifs comme Usagi (Sailor Moon).
On voit clairement que ce classement est marqué par des affinités culturelles propres au contexte français, où des personnages plus anciens comme ceux de Kimagure Orange Road ou City Hunter continuent de tenir une place privilégiée. Cela reflète la longévité de ces séries et leur capacité à marquer durablement, malgré l’arrivée de nouvelles séries et personnages.

Et pour finir (ou presque), passons aux meilleurs génériques.
A l’époque je n’en connaissais aucun puisque ce n’est que des génériques japonais SAUF les mystérieuses cités d’or à la 15ème place. Je préfère personnellement le générique français de Cobra mais je comprends sa place. Le trio de tête est dominé par Lodoss avec son opening en première place et l’ending en troisième. Sailor moon arrive à 1 voix près devant ce dernier pour obtenir la seconde. Là encore on voit ressortir la spécificité du public d’Animeland car pour connaitre ces génériques, il fallait soit avoir les VHS, soit avoir accès à des produits venant du Japon peu distribués en France (Laser Disc, CD audio) Le plus amusant est de voir déjà apparaitre X-Japan avec X²…Chanson qui marquera son époque jusque dans les années 2000.


Le fait que Chronique de la guerre de Lodoss soit une série phare de l’époque, appréciée pour sa qualité visuelle et musicale, explique en partie cette domination. Son opening, « Adèsso e Fortuna », a marqué les esprits avec sa mélodie angélique, qui correspondait parfaitement à l’univers héroïque-fantastique de la série. Quant à l’ending, il s’agit d’une chanson plus traditionnelle, ce qui permet de toucher un autre registre. Cela montre bien l’importance que la musique pouvait avoir pour sublimer l’immersion dans cet univers.

Le fait que X-Japan apparaisse déjà dans le classement avec « X² » montre à quel point ce groupe commençait à s’imposer auprès des fans d’anime. X-Japan allait devenir un phénomène de la scène rock japonaise, et la bande originale de l’OAV X a sûrement contribué à populariser leur musique en France. Cette entrée préfigure leur influence grandissante, qui atteindra son apogée dans les années 2000.
Cela montre aussi que les fans d’Animeland avaient un goût assez avant-gardiste et étaient prêts à explorer des œuvres et des sons qui allaient au-delà des génériques que l’on pouvait entendre à la télévision française.
On peut le dire. Le reste du classement est malgré tout porté par les génériques japonais des animes à succès en France : Chala Head Chala, Pegasus fantasy, Get wild… Rien à rajouter à part qu’il s’agit de musiques toujours cultes aujourd’hui malgré leur âge.


Absolument, ces génériques sont restés intemporels et continuent de marquer les esprits, même des décennies plus tard. C’est particulièrement frappant de voir que, même avec l’évolution de la musique et des styles d’anime, ces morceaux restent cultes et continuent d’évoquer une grande nostalgie, tout en touchant de nouveaux publics. La force de ces génériques réside dans leur puissance mélodique et leur capacité à capturer l’essence même des séries auxquelles ils sont associés.
Ces chansons sont désormais ancrées dans la culture pop japonaise et ont réussi à s’internationaliser. Même des décennies après leur sortie, elles sont toujours jouées dans des événements comme les concerts de JAM Project ou encore dans des hommages lors de Japan Expo. Cela montre bien l’impact que ces génériques ont eu et leur capacité à résister à l’épreuve du temps.
Nous arrivons au bout. Le dernier classement concernant les doubleurs/doubleuses français(es) est un de ceux que je regardais le moins. Nous verrons qu’au fil du temps il évolue très peu. Cela ne sera pas surprenant puisque le doublage d’anime japonais rentrera bientôt en léthargie laissant la place grande ouverte aux voix japonaises.
Pour revenir sur le classement, Vincent Ropion domine tout le monde avec son doublage de Ryo Saeba. Le reste est plutôt fonction du personnage ou de la série plutôt que la qualité du doubleur. Cela n’enlève rien à la qualité du travail mais nous étions très loin de la médiatisation des Seiyuu au Japon.


Le public français était encore principalement focalisé sur les séries cultes des années 80 et début 90, et les voix françaises emblématiques étaient associées à ces personnages charismatiques. Cependant, à cette époque, les doubleurs français restaient souvent dans l’ombre, malgré l’énorme travail qu’ils fournissaient pour rendre les personnages aussi vivants et appréciés par le public.
En conclusion, si ce classement ne bougeait pas beaucoup, cela reflétait une fidélité des fans à des voix marquantes, et même si la médiatisation était moindre, ces doubleurs ont su laisser une empreinte durable dans la culture anime en France.
Nous sommes d’accord et ainsi se finit l’analyse rétrospective de l’anime grand prix français de l’année 1995 !
