Le nouveau player manga

Le nouveau player manga

En fin 1995, Manga Player arrive en kiosques. Qu’est-ce que tu as ressenti en découvrant ce magazine pour la première fois ?

C’était une excellente nouvelle pour moi. Je ne connaissais que Kameha à l’époque mais qui ne m’attirait pas et nous n’avions pas facilement accès aux fanzines comme déjà dit dans d’autres interviews. Le fait que le magazine soit lié à Player One a vraiment aidé (la publicité, belle influenceuse). Ce que j’ai surtout trouvé d’intéressant c’est le prix. Pour 30 francs, l’équivalent d’un tome de manga, plusieurs séries à suivre le tout comme au Japon. Il y avait également un peu d’actualité dédiée au média. Cela n’était pas un mal car plus ça allait, plus il y avait d’information et les magazines de jeux vidéo ne pouvaient pas suivre. Tout cela sera réglé par Animeland peu de temps après. Le plus important c’était de toute façon les séries publiées qui forcément dénotaient de ce que je pouvais lire à l’époque.

Le lien entre Manga Player et Player One a-t-il, selon toi, joué un rôle important pour attirer les fans de jeux vidéo vers le manga ?

Je ne sais pas si le rôle a été aussi important mais une chose est sure, la diffusion en kiosque en plus de la publicité dans un magazine populaire a forcément attiré les gens à se plonger dedans. Après encore fallait-il que les séries intéressent les lecteurs. Les magazines de jeux pouvaient parler un peu de manga/anime mais il faut avouer qu’ils étaient très logiquement très portés sur Dragon Ball. C’est certainement à la fois la force et la faiblesse de Manga Player : proposer plusieurs genres de séries et limiter ce qui est trop proche de Dragon Ball. Donc les personnes comme moi qui cherchaient à s’ouvrir à autre chose ont été servis. Peut-être que d’autres ne s’y sont pas retrouvés.

La diffusion en kiosque a effectivement permis d’atteindre un public large. Mais selon toi, comment Manga Player parvenait-il à trouver un équilibre entre diversité des genres et les attentes des lecteurs ?

Il suffit de prendre la liste des titres au démarrage. Ghost in the Shell est un manga de SD/anticipation très verbeux avec un graphisme assez adulte. You’re under arrest est un manga plutôt tranche de vie qui avec de l’humour et un peu d’action permettait de voir un peu de la vie au Japon. 3×3 Eyes est la série qui se rapprochait le plus du manga d’action mais on s’éloignait déjà de Dragon Ball avec une plus forte présence d’un personnage féminin et pas la même ambiance que l’univers de Toriyama. Enfin Gunsmith Cats qui rejoignait un peu You’re under arrest mais avec la composante action plus forte. Ils seront rejoints par Captain Kid qui est un sous One Piece mais qui s’adressera déjà plus à un public plus jeune. Cette couverture large et ce choix de titre un peu ambitieux (même si la concurrence était au final inexistante) font que c’était un vrai plaisir pour ceux qui souhaitait aller plus loin sans se ruiner.

Parmi ces premières séries, quelles sont celles qui t’ont marqué ?

Je dirais bien toute et aucune. Ghost in the shell est un peu indigeste malgré de grandes qualités scénaristiques et graphiques (le tout avec des pages en couleur en introduction) Le film qui est sorti quelques temps après était beaucoup plus intéressant sur bien des points. 3×3 Eyes était assez sympathique et permettait d’entrée dans le shônen par un biais différent de ce que l’on connaissait provenant pour beaucoup du Shônen Jump. Avec le recul, la série a des qualités et défauts identiques aux autres séries du genre. Le peu de série disponible à l’époque la rendait plus intéressante. Les 2 séries que j’appréciais vraiment était les 2 autres. J’aimais déjà les animes tranche de vie diffusés à la télé et donc une série comme You’re under arrest m’allait parfaitement. Graphiquement la série est assez faible pendant pas mal de chapitres mais on s’y fait. Les histoires par contre sont pour pas mal intéressantes mais à la longue la série s’essouffle toute seule. Cependant cela ne la rend pas mauvaise pour autant puisque ce qui comptait c’était d’avoir quelques bonnes histoires, pas 50 volumes. Enfin Gunsmith Cats. Cette série d’action était correcte. Elle mettait en avant des personnages féminins (comme You’re under arrest) mais avec beaucoup plus d’action. Je n’ai pas été déçu mais la série ne restera pas assez longtemps dans le magazine pour montrer un intérêt sur le long terme. Je passe pour Captain Kid car maintenant que nous avons One Piece comme référence pour la piraterie, ce n’est pas la peine de s’attarder.

La diversité des titres, comme Ghost in the Shell, You’re Under Arrest, ou 3×3 Eyes, offrait effectivement un large éventail de genres. Selon toi, comment cette variété a-t-elle contribué à l’identité du magazine à ses débuts ?

Toute cette variété a effectivement due aider à créer une identité sachant que ces manga n’avaient pas forcément d’équivalent sur le marché (les éditeurs étaient encore peu nombreux et leur ligne éditoriale laissait beaucoup de marge pour de nouvelles séries). Me concernant, il n’y avait pas vraiment de question d’identité vu que les alternatives étaient très faibles ou ne m’intéressaient pas trop. Kameha n’était pas un mauvais magazine de prépublication. Il n’a pas bénéficié d’autant de visibilité vu qu’il fallait savoir qu’il existait et une fois que je l’ai découvert, les séries m’attiraient moyennement et étaient surtout pour un public plus adultes. Ce n’était pas ce que je recherchais à mon âge. Comme nous l’avons vu la télévision n’apportait plus de nouveauté marquante donc tout ce qui permettait de sortir du quotidien était bon. Les lecteurs de Manga Player qui ont suivi les séries devaient à mon avis être des personnes désireuses d’en avoir plus sur ce média et donc se sont intéressées à un moment ou un autre aux mangas au-delà de ce qui était déjà disponible.

En découvrant des séries inédites via Manga Player, penses-tu que les lecteurs de l’époque ont développé un intérêt pour le manga comme média à part entière, au-delà des séries déjà établies en France ?

Ceux qui sont restés assidus à Manga Player ont, je pense, forcément développé un intérêt pour les mangas, quand bien même ce ne serait pas ceux du magazine. Les séries disponibles au départ peuvent avoir rebuté certains lecteurs. Par la suite, de nouvelles vont les rejoindre et les remplacer telles GTO ou Ah My Goddess qui sont des titres majeurs de la période mi 90-début 2000. Manga Player était de toute façon une bonne alternative pour les lecteurs qui n’étaient pas intéressés que par de la SF ou des séries déjà connues. Je ne souhaite de toute façon pas lui donner un rôle trop important mais en combinaison avec Animeland, ce magazine avait tout pour aider aux jeunes à développer une passion envers le manga et l’animation et à couper le cordon avec les jeux vidéo. Il ne faut toujours pas oublier qu’en 1995, l’un va difficilement sans l’autre.

Dirais-tu que l’attachement à des séries comme Dragon Ball se diluait au profit de nouveaux titres comme ceux proposés par Manga Player ?

L’animation se portait relativement bien (pour l’époque et en VHS) alors que le manga était encore un média restreint. Sans support télévisuel ou même jeu vidéo, il était impensable qu’un magazine seul puisse faire bouger un marché naissant. A part moi, personne de mes connaissances ne s’est tourné vers ce magazine quand bien même ils appréciaient les jeux vidéo ou les anime. Vu que j’arrivais en quatrième, les goûts pour ce type de loisir était déjà de moins en moins visible chez les personnes chez qui cela n’a pas pris. Il était déjà un peu rare de rencontrer des personnes continuant à s’intéresser aux sorties de jeux vidéo ou aux séries animées, alors parler de manga… La démocratisation du manga est encore lointaine et les affaires qui vont le toucher en 1996 vont avoir un impact certain sur son image. Je reviendrai dessus dans une autre interview dédiée. Tout ça pour dire que créer un engouement était très compliqué. Peut-être peut-on dire qu’à Paris cela a été le cas mais en province, c’était insuffisant.

Pour finir, quels changements as-tu observés dans le magazine au fil du temps ?

Le changement principal venait de la qualité des séries prépubliées. On voit que la maison d’édition a eu de plus en plus accès à des titres plus connus ou en tout cas plus vendeurs. Aujourd’hui, à part Ghost in the Shell (et ce même sans l’appui des films ou anime), aucune des séries du magazine de 95 ne se vendraient correctement aujourd’hui. Ce n’est que mon avis mais même en 2000, ces séries n’étaient déjà plus en accord avec l’époque (que ce soit graphisme, le genre ou encore la comparaison avec les concurrents). Autre point, le magazine n’a jamais grossi faisant disparaitre des séries au profit de nouvelle. Le problème ne vient pas du roulement mais du fait que contrairement au Japon, nous n’avions pas la fin. Le magazine est donc assez vite passé en mode uniquement promotion pour les tomes reliés. C’était prévisible mais j’aurais aimé que ce soit différent, surtout que l’offre des séries en volume relié va commencer à se développer progressivement (quand bien même la polémique dont nous parlerons un peu plus tard). Après cela me servira quand même à découvrir certaines séries que je finirai par acheter. Bref je sui rentré dans le moule.

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