Dans l’Animeland n°24, un des articles qui m’a le plus intéressé est celui sur Mitsuru Adachi. Je ne le connaissais pas de nom à l’époque mais par contre, j’avais regardé toutes les séries diffusées en France à la télé.


En 1996, Mitsuru Adachi était encore un auteur relativement méconnu du grand public en France, malgré la diffusion de plusieurs adaptations de ses œuvres à la télévision.
Tu avais sans doute regardé Théo ou la batte de la victoire (Touch), Une vie nouvelle (Hiatari Ryōkō!) et Le petit chef (Mister Ajikko), qui avaient été diffusés sur La Cinq et d’autres chaînes. Ces séries avaient un ton assez unique, mêlant romance, humour et sport, ce qui était la signature d’Adachi.
L’article d’AnimeLand devait être intéressant, car il devait justement replacer son importance dans le paysage du manga et expliquer en quoi ses récits se distinguaient par leur narration fluide, leur mise en scène épurée et leur gestion subtile des émotions. Après avoir lu cet article, ça t’avait donné envie de découvrir davantage ses œuvres, ou tu étais resté surtout sur les adaptations animées ?
A l’époque je n’ai pas eu trop le choix que de me souvenir des adaptations animes, faute d’avoir les mangas disponibles en France. J’ai effectivement vu à peu près toutes les séries diffusées en France sur la Cinq et TF1. Touch et Hiatari Ryôkô ont eu un fort impact en m’initiant sans trop le vouloir au baseball. Clairement la traduction française n’aidait en rien à comprendre le fonctionnement de ce sport. Comme en France il n’est pas très populaire, ça n’aidait pas. Par contre il était facile de ressentir les tensions des matchs et la joie de la victoire quand bien même on ne comprenait pas tout.
Les séries de Adachi étant également très portées sur la comédie, plus particulièrement sentimentale. On passait facilement du sport à une série plus classique sur la relation entre les différents personnages. On le voit en particulier dans Hiatari Ryôkô dont le héros n’est pas un sportif. Mais à chaque fois, on retrouve les designs des personnages avec les traits de caractère qu’il leur associe. On n’est pas perdu.


C’est vrai qu’à l’époque, sans les mangas disponibles en France, on devait se contenter des adaptations animées. Même là, elles étaient parfois diffusées dans un ordre chaotique ou avec des coupes. Touch et Hiatari Ryôkô étaient de bons exemples du style d’Adachi, où le sport est toujours un prétexte à raconter autre chose, notamment des histoires de relations humaines, d’amitié et de sentiments.
L’impact du baseball est intéressant : même si on ne comprenait pas toujours les règles (et la VF n’aidait pas), l’émotion transmise à travers les matchs restait forte. La tension dramatique des matchs et les enjeux personnels des personnages suffisait. Et comme tu dis, Hiatari Ryôkô! montre bien qu’Adachi ne se limite pas aux héros sportifs. Il sait aussi écrire des récits plus axés sur la vie quotidienne tout en gardant son humour et son ton sentimental.
Le fait que ses personnages aient des designs similaires d’une série à l’autre joue aussi sur l’effet de familiarité. On retrouve vite les mêmes archétypes, mais sans que ça devienne lassant, parce que ce qui compte, c’est la dynamique entre eux. C’est peut-être ce qui fait que son style est si identifiable et attachant. À l’époque, est-ce que tu avais une préférence entre Touch et Hiatari Ryôkô! ?
J’ai vu surtout Hiatari Ryôkô qui a été il me semble plus rediffusé. En même temps le nombre d’épisode est raisonnable face à Touch. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que j’ai vu l’intégralité des épisodes de cette dernière. Hiatari Ryôkô est une série mature, plus proche de la série Miyuki (Thommy et Magalie). Bien qu’un peu complexe par rapport à mon âge lors de la diffusion la série m’avait déjà pas mal marquée par la maturité qui s’en dégageait. Aujourd’hui c’est cette dernière que j’aimerais bien revoir (ou lire).


Oui, Hiatari Ryôkô! avait un format plus court et plus accessible que Touch, qui dépassait largement la centaine d’épisodes. Il est probable que Hiatari ait été rediffusé plus souvent, d’autant qu’il s’intègre bien dans une grille de programmation sans nécessiter un engagement aussi long que Touch.
C’est intéressant que tu fasses le lien avec Miyuki (Thommy et Magalie). C’est vrai que cette série avait une tonalité plus mature, axée sur les relations amoureuses et familiales, avec une certaine mélancolie par moments. Elle était un peu plus complexe à appréhender selon l’âge, mais elle marquait par son approche réaliste des sentiments. Ce côté tranche de vie, avec des personnages qui évoluent et grandissent sans que ce soit exagérément dramatique, c’est une vraie signature d’Adachi.
En France, Miyuki n’a malheureusement jamais été édité officiellement. Peut-être qu’avec l’intérêt grandissant pour Adachi (depuis Cross Game et Mix), il y aura un jour une édition française ? En tout cas, ce serait une belle redécouverte, surtout avec un regard plus mature qu’à l’époque.
Je cherche à récupérer les volumes japonais mais ce n’est pas simple quand je cherche là-bas. Je trouve quelques volumes mais jamais la série complète. Après on peut avoir un espoir avec la publication de Hiatari Ryôkô qui va bientôt commencer. J’ai de toute façon acheté toutes les séries sorties en France en manga. J’aurais fait ce que je pouvais pour encourager les éditeurs. Par contre je ne pense que Cross Game ou Mix aient été des grands succès en France, que ce soit en anime ou manga. Peut-être que je me trompe mais j’ai quand même quelques doutes.


Effectivement, trouver Miyuki en volumes japonais complets n’est pas si simple, surtout en physique. Ce n’est pas un manga aussi souvent réimprimé que Touch ou H2, donc il faut parfois fouiller dans les boutiques d’occasion ou espérer tomber sur un set complet. Peut-être que la sortie de Hiatari Ryôkô! en manga pourrait donner un petit coup de projecteur sur d’autres œuvres d’Adachi, et pourquoi pas inciter à une réédition de Miyuki ?
C’est bien que tu aies acheté toutes les séries d’Adachi sorties en France. Clairement, tu as fait ta part pour encourager les éditeurs, et chaque achat compte pour montrer qu’il y a un public. Mais je partage ton scepticisme sur le succès de Cross Game et Mix en France. Je ne pense pas qu’ils aient eu un énorme impact, ni en manga ni en anime. Cross Game avait pourtant un excellent bouche-à-oreille et un anime de qualité, mais il est sorti à une époque où le marché était saturé de shônen plus dynamiques. Quant à Mix, il est sans doute un peu trop nostalgique et destiné à un public déjà fan de Touch, ce qui limite son audience.
En France, le style d’Adachi reste quand même un peu à part : trop réaliste et posé pour les amateurs d’action, trop marqué « tranche de vie sportive » pour ceux qui préfèrent le pur romance ou le pur sport. On est loin de l’engouement japonais pour ses œuvres. À défaut de rééditions, tu as pu relire certaines de ses séries récemment, ou c’est un projet que tu as en tête ?
Je n’ai pas relu un de ses mangas depuis pas mal de temps. Mix tarde un peu à sortir et comme tu le dis, n’est pas vraiment destiné à conquérir un nouveau public. Avec la sortie en France de Hiatari Ryôkô, cela changera. De plus, lorsqu’approche l’été, je me prends l’idée de relire H2 qui à l’époque de l’Animeland 24 était en cours au Japon si je ne me trompe pas.


Oui, en 1996, H2 était encore en cours de publication au Japon, et il devait approcher de sa conclusion. C’était un des mangas les plus appréciés d’Adachi à l’époque, avec une intrigue plus développée et un équilibre encore plus maîtrisé entre baseball et romance. C’est une excellente lecture estivale d’ailleurs, avec cette ambiance propre aux vacances, aux matchs sous le soleil et aux sentiments qui évoluent au fil du temps.

Avec la sortie de Hiatari Ryôkô! en France, ça pourrait être un bon prétexte pour replonger dans son univers. Même si Mix tarde un peu à sortir, avoir Hiatari disponible va peut-être encourager de nouveaux lecteurs à s’intéresser à son travail et, qui sait, inciter à d’autres publications. D’ailleurs, H2 n’est jamais sorti en France, ce qui est dommage, vu qu’il est souvent considéré comme un des sommets de son œuvre.
Quand tu relis H2, c’est surtout pour l’histoire et les personnages, ou c’est aussi pour retrouver cette atmosphère spécifique aux récits d’Adachi qui mêlent nostalgie, humour et moments marquants sur le plan sportif et sentimental ?
Oui je l’ai toujours. Cela reste effectivement mon oeuvre préféré de Adachi. Très bon compromis entre sport et tranche de vie, de très bons personnages et un final épique. J’ai bien dû lire la série une quinzaine de fois. J’aurais clairement aimé la lire durant les années 90 mais bon, ça aurait été plutôt dommage de ne jamais le lire.
La série de One Shot « Short Program » a été publiée en 1999 chez Tonkam. Niji-Iro Tohgarashi ouvrira ensuite les portes aux autres séries du mangaka en France. J’étais d’ailleurs un peu déçu qu’à l’époque on nous sorte une oeuvre que je ne connaissais pas et non sportive. Cela n’empêche que la série est très bonne, en complète adéquation avec son auteur et comme nous avons eu les séries de sport peu de temps après, ce n’était pas grave de commencer par une série que je ne connaissais pas.


Short Program en 1999 chez Tonkam a bien été l’une des premières œuvres d’Adachi à être publiées en France, et Niji-Iro Tōgarashi a effectivement suivi, ouvrant la voie aux autres séries plus connues du mangaka.

Je comprends ta réaction de l’époque : après avoir découvert Adachi à travers ses séries sportives en anime, ça devait être surprenant de voir débarquer un titre qui n’avait rien à voir avec le baseball ou un autre sport. Mais au final, comme tu le dis, Niji-Iro Tōgarashi reste du pur Adachi, avec ses personnages bien écrits, son humour et sa patte graphique immédiatement reconnaissable.
Le fait qu’on ait ensuite eu droit à Rough, H2 et Touch a permis de rééquilibrer les choses et de satisfaire les attentes des fans de ses séries sportives. Au final, as-tu apprécié Niji-Iro Tōgarashi autant que ses autres œuvres, ou bien restes-tu attaché en priorité à ses mangas sportifs ?
Je reste plus attaché à ses séries sportives historiques sur le baseball. Les autres séries de sport qui suivront H2 sont parfois un peu moins passionnantes et il faut avouer que quand bien même ce sont de bonnes séries, Cross Game et Mix ont un peu de mal à égaler H2. Cela n’empêche pas Cross Game d’être une très bonne série et une sorte d’oeuvre finale au duo Touch/H2.


Si tu devais classer ses séries sportives de baseball, tu mettrais H2 en tête, mais que mettrais-tu en deuxième position ? Touch, Cross Game ou un autre titre ?
Compliqué de choisir entre Touch et Cross Game. Je dirai que pour le match de fin, il vaut mieux Touch mais sur l’ensemble de l’histoire, Cross Game sera plus digeste. De toute façon il vaut mieux lire dans l’ordre Touch, H2 et Cross Game afin de profiter des qualités de chaque, sachant que H2 les combine en assurant la transition entre le Adachi des années 80 et 2000.




Pour finir et se faire plaisir, le premier générique de H2 en VO.